L’Oiseau d’or de Kainis – Tome 1 & 2

Disponible depuis le 16 mars dernier, L’Oiseau d’or de Kainis intègre la collection Shōjo+ des éditions Glénat. Avec celle-ci, l’éditeur s’est donné pour mission de faire découvrir à son lectorat des mangas qui cassent les codes du genre. Bonne pioche avec L’Oiseau d’or de Kainis qui traite d’un propos assez profond, loin de la banale amourette, sur la place des femmes dans la société anglaise du XIXème siècle. Une ode à la liberté pour cette série complète en quatre tomes, dont nous avons pu lire les deux premiers volumes déjà parus.

Le roman sied mal aux femmes

En tant que femme Lea ne peut pas écrire dans "L'Oiseau d'or de Kainis"

La littérature est un art réservé aux hommes.

Début du xixe siècle, à l’est de Gloucestershire, Lea a grandi au milieu de livres “inaccessibles pour son cerveau féminin” et se passionne pour l’écriture, un art réservé à la gent masculine. C’est donc sous l’identité fictive d’Alain Wedgwood qu’elle va débarquer à Londres pour faire publier ses ouvrages, se plonger le monde littéraire et se faire de nouveaux amis. Que va-t-elle pouvoir découvrir sous sa nouvelle apparence ?

Cette série en 4 tomes s’interroge sur le sexisme avec douceur. Candide mais lucide, Lea va trouver les réponses à ses questions au fil de ses rencontres londoniennes et vous offrira peut-être une autre manière d’aborder le shojo.

Glénat
"Lea" est victime de préjugés

L’Oiseau d’or de Kainis prend place en Angleterre, au début du XIXème siècle, et nous narre l’histoire de Lea Void, une jeune fille qui aime écrire des romans, activité à laquelle elle se livre depuis son plus jeune âge. Un jour, elle fait l’amère expérience des disparités entre les hommes et les femmes quand elle avoue à son oncle être l’auteur du roman qu’il tient dans les mains et dont il vient de louer le style. Celui-ci refuse de croire que c’est Lea qui a rédigé le manuscrit, arguant qu’une fille ne serait pas capable d’écrire aussi bien.

L'héroïne doit se cacher pour écrire dans "L'Oiseau d'or de Kainis"

Forte de cette leçon, Lea va grandir en gardant secret le fait qu’elle continue à écrire. Arrivée à l’âge de 19 ans, la jeune romancière va envoyer son manuscrit à une maison d’édition en prenant l’identité d’Alan Wedgewood et recevoir une réponse qui va changer sa vie. Désormais publiée, Lea se rend à Londres pour rencontrer son éditeur, mais pour cela elle va devoir échanger son identité avec celle d’Alan en se travestissant en garçon.

Afin de se faire reconnaitre Lea décide de se transformer en "Alan Wedgewood"

Une fois sur place, elle se lie d’amitié avec Miles Keats, un autre auteur dont elle a lu les récits, qui finit par lui proposer d’habiter dans la chambre voisine de la sienne. Bien décidée à profiter de sa nouvelle liberté, Lea emménage donc à Londres où sa vie en tant qu’Alan lui ouvre de nouvelles perspectives. Découvrant un nouveau point de vue sur le monde, Alan / Lea va voir ses idées bousculées et changer au fil de ses rencontres. Alors que Miles finit par découvrir qu’Alan est une femme (sans que le principal intéressé ne soit au courant de sa découverte), il va accepter de s’ouvrir à son ami et lui raconter ses propres souvenirs…

Découvrez un extrait de L’Oiseau d’or de Kainis – Tome 1 ici !

Mélange des genres

C’est sous la plume de Kazuki Hata que l’Oiseau d’or de Kainis va prendre son envol, dépeignant le XIXème et ses codes avec beaucoup de justesse. Habituée des récits historiques, la mangaka choisit de revisiter le thème, pourtant déjà abordé maintes et maintes fois, de la femme obligée de se faire passer pour un homme pour être reconnue à sa juste valeur. Bien que le sujet ne soit pas des plus originaux, la formule marche, notamment grâce aux dessins de l’auteur qui sont à la fois empreints de naïveté et pourtant parfaitement maîtrisés.

Miles Keats est ami avec Alan dans "L'Oiseau d'or de Kainis"

Cela crée un contraste intéressant entre les sujets abordés parfois lourds (comme le sexisme, la mysoginie, la prostitution, la violence) et l’impression de douceur et de simplicité qui se dégage des planches. L’accent mis sur l’amitié entre Miles et Alan / Lea, bien que prévisible, n’en est pas moins très bien construite et suscite l’attente quand à son évolution. Même si, L’Oiseau d’or de Kainis étant un shōjo, il y a fort à parier qu’une histoire d’amour soit au programme de la suite.

"Miles" découvre vite qu'Alan est une femme

Le fait que son ami soit en fait une femme ne semble pas perturber Miles outre mesure. Celui-ci décide de garder pour lui sa découverte afin de ne pas changer leur relation. Il est d’ailleurs assez ouvert d’esprit sur le sujet, ce que n’est pas Lea elle-même à cause de tous les diktats et les discriminations auxquels elle a dû faire face depuis son plus jeune âge. Sa rencontre avec Jared Snow, une femme romancière avec un pseudonyme d’homme mais qui affiche le fait d’être une femme, pousse Lea à s’interroger plus avant. Elle avait pour projet d’également dire la vérité sur son sexe après être devenu un écrivain connu, histoire de tordre le cou aux préjugés selon lesquels une femme est, par nature, inférieure aux hommes.

Miles se taira pour préserver son amitié avec Alan dans "L'Oiseau d'or de Kainis"

Les écrits vains de Lea

Il est évident qu’en tant que femme et rédactrice, je ne pouvais que me reconnaître dans ce récit. L’intrigue narrée pose bien les bases de l’univers et des envies de Kazuki Hata, nous amener à revivre un pan de l’Histoire où la Femme n’avait pas son mot à dire et était considérée comme uniquement bonne à s’occuper d’un foyer et d’enfants. Le personnage de Katie, la meilleure amie de Lea, en est d’ailleurs le meilleur exemple tant elle est soumise à ce patriarcat que l’héroïne rejette totalement. En tant que lectrice, on s’insurge de ces discriminations, mais sans prise de tête puisque les dessins très simples portent en eux joie et espoir.

"Kate" l'amie de Lea et l'image de la soumission au patriarcat

Au final, on se laisse porter au fil de pages, auprès de nos protagonistes. La réflexion vient plus tard, une fois les volumes refermés (je les ai d’ailleurs relus plusieurs fois avec plaisir pour approfondir). Pour autant, l’ensemble manque d’un peu de réalisme. En effet, Lea devrait logiquement rencontrer bien plus de problèmes, et des problèmes bien plus graves qu’elle n’en rencontre au cours des deux premiers tomes. Cela étant dit, je lui pardonne volontiers cet écart, m’étant surtout concentrée sur les thèmes abordés et sur la relation entre Miles et Alan. Je vais attendre la sortie des prochains tomes avec impatience, car j’avoue ne pas trop savoir pour l’instant où vont nous mener les destins de ces deux écrivains.

Pour conclure…

Avec sa collection Shōjo+, l’éditeur Glénat souhaitait sortir des sentiers battus. Eh bien c’est chose faite avec L’Oiseau d’or de Kainis. Loin d’une histoire d’amour (dont on ignore encore si elle aura bien lieu à la lecture de ces deux premiers volumes), le propos porte sur l’émancipation des femmes dans la société puritaine et patriarcale du XIXème siècle. Mais cela sans que le sujet ne soit trop lourd, permettant au manga de survoler les thèmes sérieux qu’il aborde sans jamais s’y brûler les ailes. Une excellente lecture de vacances que je vous recommande… qui que vous soyez !

Vous devriez Lire aussi
Les Carnets de Léonard de Vinci

Dans le même genre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *