L’anthologie du Franponais

La langue française, riche et belle, est souvent considérée comme compliquée. À juste titre, me direz-vous. Mais qu’en est-il quand cette dernière passe à la moulinette japonaise ? Accrochez-vous bien à vos strings, ça pique.

Jeu de maux

Ah, le Japon… Terre promise des amoureux de jeux vidéos, de manga, de raffinement et autres multiples merveilles. Pays en parfait équilibre entre hyper modernité et traditions respectées. Beaucoup de choses ont été dites sur ce magnifique pays, et rares ont été ceux qui auront été déçus de leur voyage au pays du soleil levant. Souvent, ces derniers n’auront que de belles choses à dire et des souvenirs plein la tête. Et justement, au rayon des souvenirs, il y aura sûrement quelques éclats de rire.

Chaque personne qui aura foulé le sol Tokyoïte se souviendra d’au moins un moment où elle se sera vu rester quelques instants à fixer le nom de certains commerces de la capitale. Des moments de doute et d’étonnement, où leur langue maternelle se sera vue démembrée et rafistolée par un savant fou.

C’est ça le Franponais. Une curiosité créée spécifiquement pour l’écrit et qui s’applique à à peu près tout. Une utilisation hasardeuse, souvent fausse, mais toujours drôle (pour nous) avec l’intention de donner une aura prestigieuse à ce qu’elle sert. Apporter une saveur exotique aux enseignes, afin qu’elles ressortent entre les différents alphabets japonais : hiragana, katakana et kanji. Et pour dénoter, ça dénote !

Il va sans dire qu’après ce teasing de fou-malade, je me devais de vous offrir quelques perles. Pour cet article, et pour les exemples qui vont suivre, je me suis basée essentiellement sur l’ouvrage référence « L’Anthologie du Franponais deluxe » de l’inénarrable Florent Gorges, chez Komikku. Je reviendrais plus longuement sur l’auteur, ce dernier méritant un article à lui seul, que ce soit pour son parcours passionnant ou son attachante personnalité. Mais ça, ce sera pour plus tard…

On y va ? Je vous préviens, à chaque nom franponais lu, c’est un dictionnaire qui brûle quelque part.

L'anthologie du Franponais

Et c’est parti ! Réalisé sans trucage !

Commençons par les commerces de bouche et autres douceurs alimentaires. Si vous cherchez un endroit pour manger, les restaurants « Belle Touffe », « Barbe et queue », « Le Colombin », « À ta Gueule » seront ravis de vous accueillir.

Une petite faim ? À disposition les boulangeries/pâtisseries « Zizi », « maximum Zizi », « Famille de Chie » ou les petites douceurs telles que « Collon » (gâteaux cylindriques remplis de chocolat…), les bonbons « cucu » ou « Petit Bit ». Mention spéciale au petit sachet de sucre nommé « Petit pet ».

Une petite soif ? Trinquez chez « Ancule Mama », « Bistrot de Bave », « Co-Labo Café », « Du Vin Hachisch », « Hirota & Jus de cœur », « café de porc »

Qu’en est-il de la mode ? Allez voir chez « Jouir de Bijou », « Bites premium », « Congés Payés », « Adieu Tristesse », « Cul de Paris », « Pou Dou Dou Trop la pêche », un coiffeur « Hair P.D »

Je finirai sur un club Sado Maso qui s’appelle « C’est Bien » ou un lieu qui s’appelle sobrement « Partouze ». Tout un programme.

Soyez certains que vous n’aurez aperçu que les premiers millimètres de la partie émergée de l’iceberg. Ruez-vous sur « L’Anthologie du Franponais » (il y en a maintenant plusieurs, dont une version récente « Le Franponais nouveau », toujours de Mr Gorges mais chez Omake Books). Vous passerez des moments géniaux, entre rire et hallucination totale.

Quelles sont ces diableries ?

En effet, nos amis nippons ont une image fantasmée de la France. Pour beaucoup de japonais, qui n’auront pas eu le loisir de venir dans notre hexagone, la France est le pays du luxe et des bonnes manières (euh… lol). Une représentation idéalisée que « Le fabuleux destin d’Amelie Poulain » (Jean-Pierre Jeunet / 2001) aura cristallisé dans beaucoup d’esprits. En première ligne Paris, évidemment. Et même si notre capitale peut s’enorgueillir d’avoir des endroits inégalables, une histoire riche et des monuments mythiques, nous savons bien ce qu’il en est réellement.

Cette image romancée est une grande source de désillusion et de traumatismes pour beaucoup de nos amis japonais. En 1986, un psychiatre officiant au centre hospitalier de Saint-Anne à Paris, Hiroaki Ota, nommera ce phénomène « le Syndrome de Paris ». Ce dernier désigne le gouffre dépressif dans lequel sont plongées les personnes qui arrivent en France avec une image idyllique puis sont finalement confrontées au RER B. Le choc doit être terrible. Et je sais de quoi je parle, je suis une ancienne parisienne. Il existe aussi le syndrome inverse, celui de Tokyo, pour les mêmes raisons, mais je le soupçonne plus rare.

Pour en revenir à notre sujet, le Franponais est donc une version idéalisée de notre langue (même si certaines phrases seraient même interdites au Boggle) et toujours dans un esprit respectueux. D’ailleurs, comprenez bien qu’à aucun moment je ne me moque de nos amis japonais. Je regarde ça avec bienveillance et avec tout l’amour que j’ai pour ce pays et sa culture.

L’empire (du Soleil levant) contre-attaque.

Pour finir, et afin de rétablir un certain équilibre dans tout ce bazar, je tiens à aborder le Japoçais ! Vous vous en doutez, il s’agit donc de Kanji mal utilisés. Et il y en a des gratinés… Toujours dans l’ouvrage précédemment cité, « L’Anthologie du Franponais deluxe », certains exemples sont à se mettre en PLS, notamment des t-shirts arborant des Kanji qui, une fois décryptés, veulent dire « I love Hentai », « ordures de soldats américains », « moi, perverse », « si t’es japonais, bouffe du riz » ou « hémorroïdes ». Oui oui, vous avez bien lu. Imaginez la tête des japonais qui lisent ça. Et si jamais vous voulez trinquer au Japon, dites « Kanpai », car si vous criez « Tchin-tchin » ils entendront « Zizi ».. Autant dire que ça la fout mal.

À l’instar de Florent Gorges, un auteur japonais, Yukio Yanagisawa, a lui aussi recensé toutes les bévues occidentales faites à l’encontre de sa langue natale. Et Dieu sait s’il a du bien en rire. Et si vous croyez que les japonais ont l’exclusivité du français passé à la moulinette, soyez prévenus : nos amis anglophones sont capables de nous écrire du « TopCon », « Analbus » et autre « LaBite.com ». Comme quoi…

Pour conclure…

Quel voyage que nous aura offert ce merveilleux « langage » qu’est le Franponais. Je me suis vue éclater de rire à la lecture de certaines pages. C’est toujours respectueux, drôle, plein d’amour et ne donne que plus envie d’arpenter les rues japonaises en quête de perles comme celles citées plus haut. Les japonais auront réussi un tour de force :  arriver à nous dépayser avec notre propre langue. Si c’est pas un exploit…

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