Suzume

C’est dans quelques jours, le 12 avril plus précisément, que le public français aura la chance de découvrir, sur grand écran, le nouveau film de Makoto Shinkai (auteur, scénariste et réalisateur de Your Name et Des enfants du temps) : Suzume. Dans son nouveau long-métrage qui traite de catastrophes naturelles, de portes à fermer, de chat à attraper et d’une chaise cassée, le créateur tisse en toile de fond une réflexion sur le deuil, le devoir et l’angoisse du temps qui passe. Nous avons eu le bonheur de pouvoir assister à l’avant-première du film il y a quelque temps et nous en sommes ressortis chamboulés au plus profond de notre être, avec une seule certitude : Makoto Shinkai vient d’ouvrir la porte à un autre chef-d’œuvre.

Stargate

Suzume s’ouvre sur un rêve, une petite fille erre dans un monde en ruine, mais doté d’un ciel étoilé magnifique. Avançant courageusement, l’enfant appelle sa mère. Alors qu’elle abandonne et s’arrête dans une prairie, la petite voit une femme qui lui donne une chaise pour enfant à laquelle il manque un pied. C’est alors que Suzume Iwato, 17 ans, se réveille de son rêve récurrent. Après s’être préparée pour se rendre en cours, la jeune fille se met en route à vélo et croise en chemin un homme, Sôta Munakata, qui lui demande s’il y a des ruines dans la région et lui indique être à la recherche d’une porte.

"Suzume" est l'héroïne du film

Aiguillé par l’étudiante, l’inconnu se rend dans les montagnes, bientôt suivi par Suzume qui a fait demi-tour, intriguée par cet étranger. Au cours de ses recherches dans les ruines, Suzume tombe sur une porte délabrée, debout au beau milieu d’une pièce, et l’ouvre, se retrouvant devant le paysage qu’elle voit en rêve. Mais elle ne peut que le contempler, franchir la porte ne lui permettant pas de se retrouver dans le monde de son rêve. Découragée, elle trouve une sorte de statuette qu’elle extrait de son emplacement pour la contempler plus à son aise. Elle ne sait pas encore que ce faisant, elle vient d’ouvrir des portes aux quatre coins du Japon et de libérer le fléau qu’elles emprisonnaient.

La "chaise cassée" dans laquelle va s'incarner Sôta

Bien décidé à aider Sôta, qui s’est retrouvé transformé en chaise pour enfant, à refermer les portes, le duo se lance dans un périple qui va les conduire à traverser la moitié du pays dans une aventure qui va les changer à jamais. Il est difficile de vous en dire plus sur l’histoire de Suzume sans vous en gâcher les surprises, d’autant que c’est un film dont l’intrigue est compliquée à résumer, sans en dire trop ou pas assez, tant tous les éléments du récit paraissent également importants au spectateur, qui se retrouve d’emblée aspiré par le scénario.

Le but des héros ? refermer des "portes"

Chaise à trois pieds et réalisateur à cinq pattes

"Makoto Shinkai" auteur, scénariste et réalisateur du film

Makoto Shinkai est désormais un réalisateur bien connu des amateurs de films d’animation. En cinq longs métrages seulement, cet ancien graphiste de chez Falcom (studio de jeux vidéos créateur de la série Ys), ayant étudié la littérature japonaise et grand passionné de mangas et de comics, a atteint une renommée internationale. Si, comme dans tous ces autres films, le réalisateur met en scène des adolescents, avec Suzume, il reconnaît avoir atteint une certaine maturité, indispensable pour faire le film.

"Daijin" un chat très spécial

D’ailleurs, au-delà du pitch initial qui est de fermer des portails dimensionnels pour éviter la destruction du Japon, Suzume traite avant tout du grand séisme de l’est du Japon qui a eu lieu le 11 mars 2011 et fait plus de 20 000 morts. Une façon pour le réalisateur de faire un travail de deuil, initié avec Your Name et Les Enfants du temps qui traitent, eux aussi, de catastrophes. Mais alors que dans Your Name les héros tentent d’arrêter le désastre, dans Les Enfants du temps, ils finissent par l’accepter. Chacun représente donc une étape du processus de deuil, Your Name étant le déni, Les Enfants du temps le désespoir et Suzume représentant la reconstruction.

Les portes ouvertes laissent passer des catastrophes dans "Suzume"

C’est pour cela que le film, bien que traitant de thèmes très lourds, garde toujours une pointe d’optimisme et d’humour qui n’atténue en rien la force de ses propos. Une envie de Makoto Shinkai, qui souhaite transmettre beaucoup dans ses longs métrages pour aider son spectateur à évoluer, comme il le dit si justement : “Même si ce n’est qu’un tout petit peu, le pouvoir de changer quelqu’un est une grande chose, n’est-ce pas ? Si ce genre de pouvoir peut figurer dans les œuvres que nous créons, je veux l’utiliser aussi justement que possible.”.

Les paysages du Japon sont magnifiques dans "Suzume"

Pudeur et tremblements

Afin de donner vie à sa vision, Makoto Shinkai, qui cumule sur le projet les casquettes d’auteur, scénariste et réalisateur, s’est entouré de grands noms. À commencer par le groupe RADWIMPS, qui a déjà collaboré avec le réalisateur sur ses films Your name et les Enfants du temps. Pour Suzume, ils ont opté pour une bande-son très mélancolique avec une utilisation poussée des chœurs pour rendre les morceaux encore plus intenses. Même les chansons plus gaies possèdent un petit côté suranné dans leur interprétation. Une mention spéciale pour le thème principal du film, magnifié par la voix cristalline de l’interprète, dans une chanson où les respirations sont jouées comme des paroles.

L'héroïne va avoir le courage de se battre jusqu'au bout dans "Suzume"

Comme pour offrir des moments de respiration aux héros, qui sont dans une course permanente de plus en plus rapide, vers l’évitement du désastre qui menace. En ce qui concerne les voix des héros, là encore, c’est un sans-faute. Malgré le fait qu’ils n’avaient jamais fait de doublage, Nanoka Hara, qui double Suzume, et Hokuto Matsumura, qui endosse le rôle de Sôta, réalisent une excellente performance. Ayant visionné le film en VOSTFR, je ne parlerai pas du doublage français même si le casting dévoilé promet du bon avec les voix de Marie Giraudon, Benjamin Jungers ou encore Clément Moreau.

Les voix dans la porte

Autre plan de vue magnifique dans "Suzume"

Je vais être tout à fait honnête, quand on m’a proposé l’avant-première de Suzume, j’ignorais totalement à quoi j’avais affaire et je n’avais jamais vu d’autres œuvres de Makoto Shinkai, même si ce nom ne m’était pas inconnu. J’ai depuis réparer cette grosse lacune, galvanisée par mon passage au cinéma. Vous commencez à me connaître, j’adore être menée en bateau et avec Suzume, c’est le cas dès la première scène, dans laquelle on ignore où se trouve l’héroïne et pourquoi elle est là, seule, malgré son jeune âge.

Suzume et Sôta en chaise se précipitent à la poursuite de Daijin dans "Suzume"

Puis le rêve se termine et l’aventure commence, reléguant cette scène d’intro, lourde de sens, à l’état de souvenir, pour ne se rappeler à nous qu’à la fin du film quand elle prendra tout son sens. Moi qui suis une adepte des différents niveaux de lecture, j’ai été servie, entre la réflexion sur le deuil à mener que ce soit celui d’un lieu ou d’une personne, l’opposition entre la notion de devoir et celle de justice, il y a plus que matière à penser avec ce film qui m’a fortement émue.

La détermination de "Suzume" ne faillira pas

La relation entre Suzume et sa tante, qui s’est sacrifiée pour l’élever seule, loin d’être convenue, est montrée de manière très juste et sincère dans l’affection que se portent ces deux personnages, mais aussi dans les disputes qui peuvent les opposer. Pour moi, Suzume est un film qui traite autant de la catastrophe du 11 mars 2011 que de la dureté du passage à l’âge adulte. Mais c’est avant tout un film rayonnant de confiance et d’espoir en l’avenir, destiné à soigner et à refermer les blessures de l’âme, comme Suzume referme les portes.

Pour conclure…

Avec son cinquième long métrage, Makoto Shinkai signe ici encore un très grand film d’animation pendant lequel on passe par toute une palette de sentiments, de la joie à la gratitude, en passant par la tristesse et la mélancolie. Le film sort en salle dans quelques jours, le 12 avril 2023, et je souhaite que vous preniez le temps de pousser la porte d’un cinéma afin de faire la connaissance de ce duo merveilleux que sont Suzume et Sôta.

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